Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 août 2009 2 11 /08 /août /2009 15:16
Un squelette a investi mon placard, non je ne plaisante pas! Un vrai tas d'os avec des jambes rachitiques, une cage thoracique creusée, un crâne décharné, une colonne vertébrale osseuse et une mâchoire désarticulée qui émet des clinquants clacs clacs. D'ailleurs il affiche toujours un sourire narquois, je le soupçonne de clac-clater sciemment. Exprès pour me réveiller en pleine nuit, la vieille peau! Enfin le vieil os. Je le vois dans son regard noir et creux, il incarne la fourberie même; certains regards ne trompent pas. Enfin des orbites vides. Il se nomme Edgar Peau, il me l'a confié pendant une de nos nombreuses conversations nocturnes; il m'a déclaré en clac-clatant : claaaac claac clac... J'ai naturellement compris qu'il s'appelait Edgar, je saisissais fort bien l'aspect retors de son langage, ma grand-mère agissait de la sorte avec son vieux dentier.

Pour un squelette, Edgar a beaucoup d'esprit. Il me parle de toux et de reins, c'est un squelette fort bien éduqué. Tout à fait, figurez vous qu'il est allé voir un os-téopathe pour guérir ses genoux mal articulés : "Ah ah mes os s'tait aux pattes que ça me gênait!" ... ce trait d'humour, pour le moins douteux, le faisait clac-clater à gorge déployée. Enfin à vertèbres cervicales déployées. Personnellement, je persiste à penser que ce calembour est tiré par les cheveux. Enfin par la base crânienne. Mais Edgar sait se montrer plus intéressant et brillant en d'autres temps. Tenez par exemple, il m'a souligné l'incongruité de l'expression "avoir un squelette dans le placard" qui signifie détenir un lourd secret, l'expression prend alors une tournure tout à fait paradoxale compte tenu de notre situation. Certes, je possède un squelette dans mon placard mais je ne le cache aucunement! L'expression ne peut se valider, paradoxe sémantique! Edgar devait être (dés)incarné en philosophe dans une autre vie, les sophismes lui collent à la peau. Enfin au squelette.

Edgar n'aime pas vraiment sortir, il reste tout le temps reclus dans son placard à régler ses affaires mystérieuses de squelette. Il reste stoïque, comme éteint, entre les slips et les chemises à carreaux tout le jour; des heures entières défilent sous ses yeux, dans une immobilité totale passée à fixer bé(â)tement le mur. C'est d'un ennui total, apparemment il n'a pas le coeur à plaisanter ces derniers temps. Enfin, sa cage thoracique vide. Alors moi, j'essaie de le divertir le pauvre homme! Dans un premier temps, j'ai pensé à lui faire visiter d'autres compères squelettes cachés dans les placards. Mais bizarrement, les autres personnes ne cachent pas de squelettes dans leur placard, enfin selon la version officielle; ma voisine a même affirmé avec force que j'étais bien fou de croire pareilles balivernes et que je devais cacher des histoires bien louches dans ma maison. Pff, tas d'égoïstes qui ne veulent pas présenter mon Edgar à leur compagnon de placard! Mon squelette vaut bien mieux que le autres. Puis, j'ai commencé à chercher des squelettes dans d'autres lieux : armoires, tiroirs, commodes, coffres... j'ai fait toutes les brocantes du dimanche matin en vain, j'ai écumé les cimetières les plus reculés de la région. C'est un vrai sacer d'os. Edgar va finir par faire de vieux os, seul dans son coin; ce n'est pas une vie pour un squelette!

Mon ami squelettique souffrait réellement de sa solitude dans sa vie post-mortem, il dépérissait à vue d'oeil comme peau de chagrin. Enfin comme os à moelle de chagrin. Edgar me posait un réel cas de conscience, un cas d'os. Et vivre avec un squelette dépressif ne relève pas du cadeau, croyez moi. Dès lors, je décidais de passer tout mon temps avec mon nouvel ami, je cessais toute activité dans ma vie pour me consacrer au bonheur de mon squelette fétiche; finies les sorties inutiles, je passais la majeure partie de mon temps cloîtré dans mon placard pour tenir compagnie à Edgar! Et l'évidence ne tarda pas à montrer le bout de son nez, on ne peut que mourir d'ennui lorsque l'on passe ses journées enfermé entre les chaussettes à rayures et les chemises, avec pour seule oreille attentive un mur blanc. La solution me sauta aux yeux alors que je discutais anatomie avec Edgar, la place d'un squelette ne se trouve pas dans un placard, Edgar prendra toute sa splendeur dans une salle de biologie! Ah Edgar au service de la science et de l'instruction de nos chères têtes blondes, voila le sens da sa mort! Edgar refusa de m'accompagner dans le collège le plus proche, il prétendait que les adolescents plein de vie lui filait la chair de poule. Enfin le squelette de poule. Ainsi, je décidai de foncer seul au collège crier les louanges du squelette de mon placard, je fis irruption dans une salle de sciences, hurla mon amour du savoir et la nécessité de posséder un squelette digne de ce nom. Tout le monde me fixait avec de grands yeux écarquillés : "Je vais vous présenter Edgar, Edgar, Edgaaaaaaaaaar..." Puis tout est devenu plus confus, je crois que le désir d'apprendre à ces jeunes gens m'était un peu trop monté à la tête. Trop. J'étais devenu rouge comme une pivoine et un filet de salive ruisselait sur mon menton, je vociférais contre ces jeunes gens incapables de comprendre le malaise métaphysique d'Edgar. L'extrême vent de rage qui m'agitait fit place au flou le plus total.

Je fus conduit dans une paisible bâtisse blanche avec de gentilles personnes pour s'occuper de moi, elle répondait toujours "Tout à fait" dès que je venais à leur parler d'Edgar, de charmantes personnes vraiment. Les allées de l'établissement étaient peuplées par de jolies fleurs bleues, par de solides coeurs de pierre aussi. Edgar ne m'avait pas suivi à l'institut car ma chambre ne comportait aucun placard, elle n'exigeait aucun meuble d'ailleurs, seuls quatre murs confortables et un sol fait dans un moelleux coussin suffisaient à mon bonheur. De toute façon, je pense qu'Edgar souffrait d'une trop grande claustrophobie pour venir ici, ce n'est pas grave d'autant plus qu'une nouvelle amie me tenait compagnie! Une araignée a investi mon plafond, non je ne plaisante pas! Un authentique arachnide avec des pattes longilignes, une tête velue, un abdomen proéminent, un dos bombé et une mâchoire puissante qui émet des "frrrr frrrr"....






"Mon ami squelettique souffrait réellement de sa solitude dans sa vie post-mortem, il dépérissait à vue d'oeil comme peau de chagrin. Enfin comme os à moelle de chagrin."
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : "Le Vent soufflera toujours"
  • : Un blog que je vais alimenter avec quelques textes que j'ai écrit. Pour l'instant je vais me contenter de mettre en ligne certains de mes vieux textes, en espérant que de nouveaux écrits viennent s'y greffer. Bonne lecture!
  • Contact

Profil

  • Max
  • Je me débats comme je peux dans cette vie là, avec mes petits poings.
  • Je me débats comme je peux dans cette vie là, avec mes petits poings.

Recherche

Pages