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14 août 2009 5 14 /08 /août /2009 15:38
Cette histoire ne s'ancre dans aucun fondement narratif, mon univers a pris vie dans un néant balayé par la brume de l'inconscient. Je me suis simplement retrouvé parachuté dans ce monde inconnu, peuplé de visages flous et anonymes. Les potentiels souvenirs d'une vie passée m'échappent totalement, la notion de futur ne m'a pas encore effleuré l'esprit, ma conscience émerge lentement vers ce moment présent; mon esprit stagne paisiblement comme anesthésié par la découverte de cette nouvelle scène. Je flotte sous une eau bleue, un bleu couleur tâche d'encre, le décor m'apparaît sombre dans un premier temps mais progressivement ma vue s'habitue à ce clair-obscur bleuté. Mes yeux ont fait la mise au point, les formes se précisent. Transporté par un léger courant marin que le vent dirige d'une main de maître, je découvre avec une certaine joie ce paradis onirique. Les mots se bousculent dans mon esprit pour tenter de décrire le lieu, les superlatifs de beauté se mêlent les uns aux autres pour finalement rester coincés dans ma bouche, la parole ne peut rendre fidèlement mes premières impressions d'émerveillement. Vulgairement, je pourrais vous dire que je baigne dans un aquarium géant, auquel se greffent des éléments d'architecture hétéroclites comme des buildings modernes et des arcs de triomphes antiques; une étrange mixture de modernité et de beauté classique qui confère aux lieux cet aspect intemporel et grandiloquent. Guidé par un réconfortant sentiment de sécurité, je nage en direction d'une série d'arches argentées grandioses, je passe peut-être cinq ou six de ces voûtes avant de débarquer sur une cour ouverte envahie de scintillements aquatiques, le soleil embrase les flots de toutes ses forces. Je suis aveuglé.

Je ferme les yeux quelques instants, pour mieux prendre conscience de ce fabuleux voyage et le photographier mentalement; une bête pensée fait alors  machinalement irruption au milieu de ces petites bulles... Je peux respirer sous l'eau! Mes poumons se gonflent et se regonflent à la demande, je laisse la vie pénétrer dans tout mon corps, l'écume est mon oxygène. C'est doux comme une caresse de nymphe. Lorsque j'ouvre à nouveau les yeux, je constate aussi qu'un groupe de personnes a investi cette grande cour un peu vide, nous sommes tous nés dans cet étrange rêve marin; la mer nous protège et cache sous le sable tous nos problèmes. Étrangement, je ne connais aucun de ces visages et pourtant tous me semblent familiers, tous unis par un invisible lien de fraternité; je pourrai donner ma vie pour ces gens-là. Ce sentiment s'inscrit au plus profond de mon être et le domine de toute son hégémonie, je ne suis plus à une contradiction près, je me trouve bien dans l'océan de tous les paradoxes. Je commence à adresser la parole à mes nouveaux compagnons, les discussions sont enjouées, les plus joueurs se lancent des défis de rapidité, certaines filles tournoient dans les flots en éclatant de rire. J'entame la discussion avec cette fille brune métisse qui nage à mes côtés depuis le début, elle s'appelle Nathalie, elle ne m'a pas révélé son prénom mais je le sais c'est une évidence. Je la vois pour la première fois et je connais déjà tout d'elle, en un seul regard elle a pris possession de toute mon âme, elle m'entoure de sa chaleur protectrice comme cette eau transparente qui réchauffe ma peau. Je l'aime, je ne sais pas si je l'aime comme j'aime une soeur ou une amante, néanmoins ce sentiment de rayonnement surplombe tout le reste. Elle incarne l'Eve de cet atoll paradisiaque.

Il s'est écoulé quelques minutes ou bien une journée entière depuis notre rencontre, je ne sais plus vraiment, ma conscience refait surface comme au sortir d'une douce nuit de rêves. Je fixe le lointain plafond d'eau, la lumière du soleil frappe beaucoup moins fort maintenant, il ne reste plus qu'un étroit cercle lumineux pour filtrer les ardents rayons solaires et contrer la progression de l'obscurité. Je dois remonter à la surface avant de succomber dans le noir absolu, tout mon corps est baigné de cette certitude; raisonnablement je ne souhaite pas remonter pourtant je ne peux pas résister à cet appel de la surface. Mon tour approche. Je croise Nathalie, on ne s'échange pas une seule parole mais je n'oublierai jamais ce regard noir de tristesse, il me transperce; pas de larmes, de grands cris, de grandes accolades, l'émotion brutale se contente d'assener un grand coup dans l'estomac. Je commence lentement ma remontée, par palier, un immense attroupement s'est formé pour assister à mon départ, mes amis ne sont plus que de lointains points noirs frétillant quand je commence à toucher du doigt les premiers rayons de lumière. Je prends mon temps. Pour les impressionner, pour profiter de mes derniers instants de bien-être, parce que je redoute ce que je vais découvrir là-haut. Je ne sais pas laquelle de ces émotions m'a pris à la gorge mais je suffoque dangereusement au contact de la lumière, mon corps paraît peser une tonne et, péniblement, le monde extérieur se rapproche, fond sur moi. J'entends le vague écho de mes camarades qui parient sur mon échec, inexplicablement je nage toujours aussi lentement; je perds conscience, la lumière m'aveugle, je ne sais plus trop qui je suis et où je vais, ni le pourquoi du comment.

Le flou initial.

Des bras m'agrippent, des bras rugueux et maladroits, ils me tirent frénétiquement hors de l'eau. Je suis désagréablement trempé, aveuglé par la lumière agressive du jour, une incroyable cacophonie agite mes oreilles et les nouvelles personnes qui m'entourent. J'ai le sentiment d'être un bout de viande que se dispute une horde de vautours. Je voudrais retourner sous les flots, nager avec mes anciens amis et renier cette nouvelle bande d'automates sauvages; le vent souffle dans mes tympans un air de discorde et me pousse à renier mes souvenirs. Je désire plus que tout me sortir de ce mauvais rêve et ne plus avancer dans ce nouveau tableau mais je ne peux pas lutter contre la fatalité. Un revenant vient gonfler le troupeau. Graduellement, je vais tout oublier de cette merveilleuse odyssée sous-marine, mes souvenirs se perdront dans une brume monocorde... Automate parmi les automates, je marcherai aux côtés de gens sans âme ni visage, comme un fantôme sans but. Mes rêves passés m'attendront, enfouis sous les océans, ils patienteront jusqu'à la déchéance de cette ère d'errance où je pourrai enfin retrouver ma liberté et revenir à la vie une nouvelle fois, car nous vivons un éternel recommencement.





"Il s'est écoulé quelques minutes ou bien un journée entière depuis notre rencontre, je ne sais plus vraiment, ma conscience refait surface comme au sortir d'une douce nuit de rêves."
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  • : "Le Vent soufflera toujours"
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  • Je me débats comme je peux dans cette vie là, avec mes petits poings.
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